1.8.06

Silence Radio

Le ciel est superbe, en cette fin de matinée, au dessus de la ville… Jean Edouard est pourtant bien seul au club… Une idée lui vient…. Il saute sur son téléphone….

« -Oui ?…

- Salut barbu, c’est JE… tu fais quoi à midi.

- Je suis à la Tour… je serai dispo vers 13h00…

- OK, je viens te voir, je serai là vers 13h00…

- OK à tout à l’heure »

J.E sort l’avion du hangar… Il est le dernier à avoir volé, hier soir. Il a refait le plein… Rapide visite prévol et… contact… le moteur n’hésite même pas… JE se dit qu’il avait envie, lui aussi, de se dégourdir les cylindres… Depuis quelques semaines, la tour de Périgueux est désertée, abandonnée par les huiles locales. Devenue « fantôme »… c’est désormais en auto-information que les avions évoluent sur 118.775….

« Périgueux, CS-DIR bonjour, au parking, on roule pour le point d’arrêt 30 »


Lâché des freins, roulage… juste quelques dizaines de mètres… Arrêt au point d’arrêt… La température moteur est dans l’arc vert…Essais moteurs… Tout va bien… La radio est totalement silencieuse… JE sait bien que ça ne veut rien dire… On n’est jamais à l’abri d’un pilote un tantinet « seul au monde » qui « oublie » de se reporter. Il regarde donc attentivement l’axe de piste… Rien !…

« Périgueux, CS-IR, on pénètre et on remonte la 30 »

Un petite pression sur la manette et la petite machine s’ébroue… Les 1750 mètre de piste ne sont pas nécessaires pour le décollage, mais JE pense qu’on n’est jamais trop riche… Demi tour… alignement sur la ligne blanche… verification gyro… phare…

« Perigueux , CS-IR, décollage piste 30 »

Gaz à fond progressivement… les 300 chevaux se réveillent… compensation du couple… 40kt… 50kt…55kt… 60kt… rotation… le nez se soulève… décollage… freinage des roues… vitesse de montée 85kt… 800ft/min…

Virage à droite… cap 025… 40 Nautiques… une petite demi heure avec le circuit. JE a fait le trajet tellement souvent qu’il n’a pas besoin de carte… Il connaît chaque point de repère par cœur… d’ailleurs il n’y en a pas tant que cela…

« Perigueux CS-IR on quitte le circuit… au revoir »

Pas l’ombre d’une turbulence… 300ft suffiront largement pour la croisière… réduction… 65%… au prix du pétrole… c’est que 300cv, ça tète…surtout un moteur de l’Est… 105 kt… un vrai régal… à ce régime, le moteur en ligne n’est pas trop bruyant et, avec le casque, c’est presque agréable…

Mais déjà, au loin, JE aperçoit l’antenne des Cars…

Le volet de procédure de Limoges est en quelque part dans la valise.. mais JE n’en a pas besoin… Il est venu assez souvent pour ne pas en avoir besoin… Avec ce petit vent de secteur Sud, c’est certainement la 21 en service… Il bascule la radio sur 118.7, fréquence de la tour.

Il aperçoit maintenant parfaitement la piste, à l’Ouest de la ville…

« Limoges tour, CS-IR, bonjour.

…. »

Pas de réponse !… JE vérifie le volume se sa radio…

« Limoges Tour, CS-IR, bonjour

….»

JE, vérifie de nouveau sa radio… débranche le casque histoire de vérifier le jack… tout est normal.

« Limoges Tour, CS-IR, bonjour

… »

Rien…

La piste est désormais tout proche… JE voit un appareil décoller en 21 et virer vers l’ouest… Il décide venir à la verticale, 1000ft au dessus du circuit de piste, pour voir… Tout semble parfaitement normal… JE sait qu’il est attendu par l’un des contrôleurs… il fait 2 360° à la verticale, puis se dirige vers la vent arrière droite 21… en face de la tour…

« Limoges CS-IR, en vent arrière gauche 21, 1000ft

… »

Toujours vigilant, JE tourne en étape de base… 75kt, les volets sortis… phare allumé… personne à l’horizon… dernier virage…

« Limoges CS-DIR en finale 21 pour un complet

… »

Seuil de piste… 50 ft… les bandes blanches… touché… impeccable… JE sait que le taxiway est à environ 800m… il roule tranquillement…

Mais…. C’est qui ce truc ?……. une masse noire passe au dessus de lui… très bas…. Un bimoteur… Il est malade ?…. il est à contre QFU !… c’est pas passé loin….

Jean Edouard ne croit pas si bien dire… ce n’est pas passé très loin… mais le « malade » n’est pas celui auquel il pense… Pour en arriver là, JE a cumulé les erreur et les fautes graves… analysons les…

- -Tout d’abord, il est parti vers un terrain de destination sans en avoir « révisé » les cartes d’arrivée

- -En situation de panne radio, il n’a pas appliquée la procédure qui lui dictait de faire tout simplement demi tour.

- Ne pouvant établir le contact sur la fréquence 118.7, une analyse correcte de la situation lu aurait commandé de vérifier sa carte et d’essayer une autre fréquence… s’il l’avait fait, il aurait vu que la fréquence le Limoges Tour avait changé…

- Lui qui connaît bien le terrain, il aurait dû savoir que le terrains de Limoges était doté d’un Atis dont l’écoute est obligatoire… le changement de fréquence y était signalé…

- Enfin et c’est peut être le plus grave… il a pénétré pour atterrir dans un espace de classe D sans y être autorisé…

L’appareil qui a remis les gaz en 03 était en fait un bimoteur militaire qui avait effectué une approche Locator en 30, autorisé par la TOUR. Il était, lui, parfaitement « en règle »

Dans un espace aérien contrôlé, la sécurité de chacun repose uniquement sur le fait que le gestionnaire du trafic connaît chacun des appareils qui y évoluent. JE a pris ce jour là un énorme risque pour lui même, mais également pour les autres usagers…

Gageons que le déjeuner avec « le barbu » a dû être un peu tendu…

Limoges juillet 2006

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